Tu sens le danger avant de le voir venir. C'est un don. D'aussi loin que tu t'en souviennes tu as toujours pressenti les embrouilles, c'est comme ça. C'est tellement présent que des fois tu doutes, est-ce un second pouvoir ? Puis tu secoues la tête, assumes que non parce que c'est un don bien lourd quand on n'a pas les moyens de se prémunir du danger. La vérité, c'est que peut-être qu'à force de penser au pire tu l'attires. Tu entraînes ce que tu dégages, t'as lu quelque chose comme ça.

Cet après-midi dans le couloir, tu le sens, le danger. T'as cette torsion dans l'estomac, similaire à celle que tu ressens quand tu t'angoisses. Ta tête baissée sur la pile immense de document que tu as promis d'apporter à Isthar, tu fais vraiment une cible de choix pour n'importe quel ado en quête d'une bonne blague. Ça aussi, c'est peut-être ce qui explique la torsion. Plus loin dans le couloir tu entends les rires du gang d'Alvaro Reyes. Gang, mais t'as envie de dire bande bouffon qui n'ont pour eux que d'avoir des muscles et notons que tu ne dis pas ça parce que toi, des muscles, tu n'en a pas. Cette fois ton estomac se tord pour de bon. Si ces types te remarque... Et évidemment qu'ils vont te remarquer, ta pile de papier fait quasiment la taille de ton buste et tu dois passer pile au milieu d'eux ! Tu fais l'erreur de lever les yeux dans leur direction et de croiser le regard de l'un d'eux. Tu entends quelques rires, surprend un des débiles à donner un coup de coude à son voisin, voilà, là tu t'es mis dans de beaux draps tout seul. Lorsque t'arrives à leur niveau tu n'attends pour ouvrir ta bouche et demander un peu brusquement

— Je peux passer s'il vous plaît ? Vous bloquez le passage.

T'as du mal à considérer les sportifs.

Tu évalues très rapidement le temps que cela te prendrait de trier de nouveau l'entièreté de ta pile, qui plus est au milieu d'un couloir grouillant d'élèves peu enclins à prendre en compte l'environnement autour d'eux. Cette évaluation faite, tu décides qu'en effet, te tenir tranquille était la meilleure des options. Alors tu obéis, tu écoutes, quand bien même ton esprit divague vers un univers où tu céderais à la violence pour te téléporter derrière lui et l’assommer avec ton énorme manuel de géographie. Un autre où ce serait toi qui lui ferais goûter l'eau des toilettes bouchée du second étage. Ah.

— C'est pas moi qui fais le règlement Alvaro, le toit est interdit d'accès, c'est tout.

Quoi que tu ne serais pas contre les voir tous faire une chute malheureuse de là-haut. Au moins cette école serait remplie de gens un peu plus raisonnable. Tu lèves les yeux vers lui, quelque chose te dit que ta pile ne restera pas une pile très longtemps. Tu t'appelles au calme, il serait bien capable de te faire faire volontairement un geste brusque pour que tu te sabotes tout seul. Ils n'en valent pas la peine, mais tu dois montrer l'exemple tu dois être diplomates.

— Écoutes, soyez raisonnables, il y a pléthore d'endroit un peu caché et qui ne vont pas à l'encontre du règlement pour établir votre base. Qu'est-ce qu'il a de particulier ce toit ?

Oh tu sais.

— Tiens plutôt que d'emmerder le BDE, vous voudriez pas aller déloger les excités du jeu de rôle ? C'est un grand espace, vous aurez de quoi vous réunir tranquille et même moi je ne pourrais pas venir vous réciter l'article sept du règlement.